Nous sommes ce soir conviés à devenir un peu plus : amis du Seigneur.
A nous laisser laver les pieds, car le Seigneur se tient au milieu de nous comme celui qui sert.
A nous laisser nourrir pour avancer avec lui sur le chemin de la libération du péché et de la mort, car il se fait nourriture dans le pain et le vin consacrés.
C’est une nouvelle alliance qu’il ouvre par le don de sa vie !
Non pas que l’alliance avec Moïse serait caduque, mais plutôt qu’elle se trouve renouvelée et poussée à son accomplissement dans l’alliance scellée en Jésus le Verbe de Dieu fait chair.
Il est à la fois le grand prêtre par excellence, qui est capable d’accomplir une offrande parfaite car il est sans péché et en communion intime avec Dieu son Père.
Il est aussi l’Agneau sans tâche, l’Agneau de Dieu, qui prend la place de tous les sacrifices, qui s’offre lui-même pour nous sauver ; pour que nous n’ayons plus à verser le sang ; pour que nous sortions enfin de la logique du mérite pour entrer dans celle de la grâce !
Il est aussi l’Autel du sacrifice. Celui qui rassemble autour de lui, quand les croyants veulent adorer et rendre grâce à Dieu. Celui sur lequel on dépose l'offrande de notre vie en l’unissant à la sienne pour vivre chaque instant, chaque événement en communion d’amour avec Dieu.
Nous rendons grâce à Dieu ce soir, pour l’offrande du Christ !
Nous rendons grâce à Dieu, de nous appeler à rester centré et appuyé sur le Christ, seul sauveur !
Ne faisons pas de Jésus une option pour quelques jours de notre vie, alors qu’il nous associe intimement à sa vie divine !
Pour dire à ses disciples qu’il est la vie en plénitude, il choisit de se faire nourriture. Ainsi comme nous comprenons bien que nous ne pouvons subsister sans nourriture physique, de même, nous ne pouvons vivre de la vie éternelle, de cette vie des fils de Dieu reçu au baptême si nous ne nous nourrissons pas de sa Parole et de son Corps !
Pour dire à ses disciples que de sa mort qui approche il veut faire un acte d’amour suprême. Il accepte de passer par les souffrances, l’abandon et la mort dans la confiance en la résurrection : vie reçue en plénitude et totalement de son Père. Pour dire cela, il distribue le pain partagé, la coupe remplie de vin, en disant ceci est mon corps et mon sang donnés pour vous !
Les disciples comprendront sans doute qu'après relecture de l'événement de sa mort et de sa résurrection sa volonté, quand il leur a dit : faites cela en mémoire de moi !
Ainsi chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, nous ne faisons pas une imitation, mais vivons l’actualité de l’offrande, de l’acte d’amour du Seigneur, de la même façon que si nous étions présents avec les disciples la veille de sa mort.
Jésus accomplit aussi un geste qui est incompréhensible des disciples comme il est incompréhensible de notre part si nous gardons l’image d’un dieu éloigné de nous et étranger à notre vie !
Comme les disciples ont eu sans cesse à convertir leur regard sur lui pour accepter le chemin qu’il voulait prendre, l’acte du lavement des pieds est le signe d’une conversion radicale. Dieu se révèle dans l’humilité et la simplicité du service de l’autre. Dieu, en Jésus, se met à nos pieds pour manifester son amour pour nous, pour venir nous sauver, pour nous libérer de tout ce qui encombre nos coeurs, de toutes les constructions internes à notre esprit qui nous empêchent de nous laisser rejoindre et aimer par lui !
Il est difficile de se laisser vraiment aimer par Dieu ! Parce que notre orgueil nous pousse à vouloir tout contrôler, à vouloir tout savoir avant d’oser répondre, à vouloir prouver que nous sommes aimables ! Nous nous rebellons comme St Pierre, "toi Seigneur me laver les pieds, jamais !". Mais Dieu n’a que faire de nos remparts, il nous supplie de le laisser faire si nous voulons demeurer avec lui ! “Si je ne te lave pas tu n’aura pas de part avec moi !”
C’est donc à une confiance totale que nous sommes appelés, pour nous remettre entre ses mains, comme le fils prodigue s’est jeté dans les bras du Père qui l'attendait, comme Jésus s’est remis entre les mains de son Père au long de sa vie et particulièrement en ce moment de souffrance : “Père entre tes mains je remet mon esprit !”
Si nous nous laissons aimer par lui, alors nous découvrirons des forces vives qui ouvriront nos coeurs à l’appel du Seigneur. Il nous dit : “c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous !”
Son testament qui est résumé en ce commandement “aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimé”, il l’a enraciné dans un geste inattendu et même choquant pour que cela soit gravé dans nos esprits !
Notre vocation baptismale devient alors une vocation à servir. Particulièrement les plus petits, les plus pauvres, les malades, les rejetés, les vieillards et tous ceux qui connaissent la fragilité et la dépendance. Auprès d’eux nous retrouvons Jésus que nous servons par amour sous l’apparence de nos frères. "Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, dit le Seigneur, c’est à moi que vous l’avez fait !"
Alors, quand nous serons tentés de dire, devant un service qui se présente à nous : d’autres peuvent le faire, je n’ai pas le temps, c’est ennuyeux, ce n’est pas assez valorisant, c’est pénible ; chaque fois que nous serons tentés de vouloir briller par nous même aux dépends des autres : souvenons-nous de Jésus à nos pieds qui s’est fait serviteur et qui n’a pas cherché la gloire des hommes.
Laissons-nous alors laver de nouveau les pieds par lui qui est toute miséricorde.
Nourrissons-nous de sa Parole et de son Corps, pour qu’habitant notre être tout entier, le Christ manifeste à nouveau à travers nous : l’amour et la tendresse du Père ! Amen.