Pourquoi Jésus raconte cette parabole du Royaume qui se termine si mal ?
Pourquoi le résultat de cette parabole semble être un échec ?
Je crois qu’elle est le résultat d’une conception erronée de Dieu.
Ce que je veux dire par là, c’est que Jésus utilise la logique humaine pour la pousser à bout. Pour nous montrer où nous conduit la logique comptable.
Rassurez-vous, je n’ai rien contre les comptables ils sont précieux pour la gestion de nos biens.
Mais la relation avec Dieu qui reste sur une logique comptable, conduit à l’enfermement, elle est sans issue.
Jésus met donc en scène la logique comptable qui est la nôtre. En fait qui est tout naturellement l’attitude des hommes dans leur relation avec une divinité et par conséquent avec les autres.
Cette logique est basée sur une relation quasi commerciale, ou bien du mérite…
La question de Pierre à Jésus est sur le nombre de fois où il doit pardonner à son frère.
Et Jésus utilise une parabole pour dire combien le pardon qui nous est demandé est au delà du raisonnable. Il ne vient ni d’un mérite, ni d’un échange, ni d’un calcul, il est tout d’abord le fruit de la miséricorde de Dieu qui est sans mesure. C'est le fruit de l’abondance de son amour pour les hommes.
Ce qui fait obstacle à cette miséricorde de Dieu offerte gratuitement n’est pas la logique du comptable qui dirait : “maintenant ça suffit, vous avez usé tous vos crédits !”
Car la miséricorde de Dieu c’est la logique de l’Amour divin qui est don sans mesure. Ce qui fait dire à Saint Augustin : “La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure”.
Non, l'obstacle est de rester enfermé dans la logique comptable où du mérite alors que Dieu nous a remis nos dettes. Il a fait pour nous ce que ce maître à fait pour son serviteur d’une manière inattendu de lui alors que celui ci le suppliait de prendre patience envers lui.
Ne pas reconnaître l’amour infini de Dieu pour nous, ne pas accueillir comme un don ce que nous ne méritions aucunement, nous garde dans la logique infernale du règlement de compte qui nous empêche d’entrer dans la grâce de Dieu.
Parfois nous restons bloqués dans cette logique impitoyable. Nous cherchons à mériter par nos efforts alors que nos efforts devraient être une réponse à l’amour premier de Dieu. Nous demeurons dans la peur de Dieu, de ce qu’il pourrait nous demander ou de ce qu’il exigerait de nous.
Parfois c’est notre orgueil qui nous empêche même de reconnaître notre péché. De reconnaître que l’on est en dette, et l’on se dit que tout va bien pour nous, on a fait tout ce qu’il faut au mieux et qu’on va régler tranquillement les derniers de petits défaut de notre vie. D’ailleurs c'est souvent les autres qui semblent avoir le plus besoin du pardon de Dieu.
Parfois enfin, on préfère rester enfermé dans nos déceptions ou dans notre droit à mériter et l’on est amer envers quelqu’un qui nous a déçu, qui nous a fait du mal, qui nous a trompé, ou envers Dieu qui n’a pas correspondu à nos attentes.
Accueillir humblement et avec reconnaissance l’amour de Dieu qui est miséricorde, nous demande d’entrer nous même dans le regard de Dieu et de faire miséricorde à notre tour.
Nous pouvons faire l’expérience que ce n’est pas toujours simple. Mais le refus de vivre cela nous garde dans une logique qui nous enferme.
Le temps est parfois nécessaire, la grâce de Dieu demandé dans la prière, dans le sacrement du pardon est d’un secours immense.
C’est de là que nous puisons l’audace de pardonner et de chercher à aimer comme Dieu nous aime.
Il y a cependant encore deux choses qui peuvent altérer cette demande du Seigneur. Deux pièges dans lequel on peut tomber :
Le premier c’est celui de la “baguette magique” ! La baguette qui vient faire croire que le lapin a disparu ! On confond bien souvent la pardon et l’oubli. Je ne dit pas qu’il faudrait dire comme certain : “je pardonne mais je n’oublie pas !” ce qui revient à dire : “la prochaine fois... tu va voir… je me vengerai…” Mais l’on ne peut effacer la mémoire de ce qui s’est passé. C’est là, ça fait partie intégrante de mon histoire. Le passé n’est mais gommé mais il n’est plus un problème, il n’est plus source de contamination de ma vie présente.
Le sacrement du pardon par exemple, vient nous offrir le pardon de Dieu mais on dit qu’il est un sacrement de guérison, parce qu’il vient panser nos plaies, parce qu’il guérit nos coeurs mais ce n’est pas une façon de remonter dans le temps pour oublier ce qui a fait notre vie.
Le deuxième piège c’est celui du paillasson ou de la cocotte minute ! Vous savez le paillasson qui sert à cacher les balayures. Ou la cocotte sur laquelle on a déposé le lourd couvercle mais qui continue à mijoter longtemps, trop longtemps….
C’est de croire que la pardon sert à enterrer les problèmes où ce qu’on a pas envie de voir dans la vérité. Nous en avons eu des exemples imminents avec les cas de pédophilie dans l’Eglise quand on a conseillé rapidement à certaines victimes de pardonner et de laisser tout ça derrières elles.
On le fait parfois aussi dans nos vies. On se dit que ça va passer tout seul. On ne va pas faire d’histoire, pas trop ramener ça à la surface…
Le pardon devient l’excuse, le couvercle que l’on tente de déposer sur le problème. Un masque sur une blessure qui suinte…
Le pardon de Dieu ne peut se vivre que dans la vérité. Avant de recevoir le pardon de Dieu ou de pardonner comme lui, nous avons besoin qu’une parole soit dite, ou même qu’un jugement soit posé, bref, que l’on soit entendu dans son mal, dans sa souffrance. Cela ne veut pas dire que l’on va choisir d’en rester là toute sa vie mais qu’il ne faut pas brûler les étapes nécessaires à la guérison.
Là aussi le sacrement du pardon est d’un grand secours. Parce que nous avons besoin pour avancer, de nommer les choses. De nommer et donc de déposer nos fautes et nos blessures et de recevoir la Parole de Dieu qui guérit et relève.
Demandons la grâce du pardon dans la vérité.
La grâce d’accueillir vraiment l’amour de Dieu en nos coeurs.
Qu’il nous libère de nos rancunes, de nos colères, de nos conceptions erronée de Dieu. Qu’il nous révèle la grandeur de sa miséricorde, et guérisse nos blessures. Amen.