Jeudi Saint 2018 - Cathédrale St Maurice
Recevons Frères et Sœurs, dans la gratitude, dans la joie, celui qui a voulu dans son immense amour, se dessaisir de la splendeur de sa gloire, pour s’abaisser jusqu'à nous, pour se faire petit, serviteur de tous.
“Le fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude”. Tout est dit. Tout est donné.
A chacun est donné l’occasion de répondre à l’initiative de celui qui se révèle source de toute miséricorde.
En ce soir, nous commémorons la Cène du Seigneur.
C’est ce que nous faisons à chaque Eucharistie.
Mais en cette semaine Sainte, nous accueillons le don qui nous est fait et entrons dans le mystère du salut offert en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous.
Le soir de la dernière Cène,
Jésus rassemble les siens et leur donne un signe et un mémorial.
Un signe au sens où il est donné aux disciples et à chacun d’entre nous, de comprendre et d'accompagner Jésus dans l’offrande qu’il fait de lui même par amour de notre humanité.
“Dieu a tellement aimé le monde, qu’il lui a donné son propre fils”, dira St Jean.
Prenez mangez, ce pain c’est mon corps livré pour vous,
prenez, buvez, ce vin c’est mon sange versé pour vous.
Ce pain rompu, mangé, ce vin versé, bu, partagé, c’est ce que Jésus va vivre pleinement à la suite de ce repas, où ce n’est plus un agneau qui est offert en sacrifice pour faire mémoire de la libération de l’esclavage d’Egypte, mais Jésus qui est l’agneau de Dieu offert pour prendre la place de tous les sacrifices, pour libérer de l’esclavage du péché et de la mort.
Il n’y a plus rien à sacrifier pour obtenir la grâce de Dieu, pour obtenir son amour, sa bénédiction, sa vie ! Seulement donner la réponse de notre cœur, de notre vie, dans l’accueil et le don.
Notre oui, notre foi, notre union à Jésus sont attendus, lui qui a brisé par l’offrande sa vie toute logique de condamnation, toute logique de justification par le sang, toute logique de rançon pour le rachat !
Lui seul nous rend véritablement libres de tout esclavage, lui qui s’est laissé enchaîner par les hommes comme un criminel.
Et c’est donc aussi un mémorial qui nous est donné. Non un monument au mort où l’on se souviendrait passivement chaque année du glorieux temps jadis.
Mais un geste, des paroles efficaces, bref un sacrement, qui est le cadeau de Dieu pour que nous puissions avec nos corps, avec nos cœurs, reproduire, actualiser, recevoir encore de nouveau et à chaque fois, l’offrande du Christ et la grâce qui en découle.
Où nous pouvons être là avec les disciples, avec Jésus au soir du dernier repas, avec lui, au jardin des oliviers, avec lui au pied de la croix, avec lui dans le tombeau, avec lui et en lui dans la vie nouvelle du Ressuscité !
Frères et Sœurs, Jésus a offert à son Église, à ses amis, à chacun de vous, le moyen de non seulement revivre, mais recevoir maintenant l’offrande de Jésus.
Et aussi de vous associer à lui dans cette offrande d’amour.
Vous avez tout ce qu’il vous faut, parce que Jésus vous l’a offert, en ordonnant à ses apôtres, “faites cela en mémoire de moi”. Tout ce qu’il vous faut pour recevoir la grâce de Jésus est offert pour votre vie, le don de sa vie en plénitude est là présent dans l’Eucharistie qui nous fait vivre et nous sanctifie. Rendons grâce pour le don de l’Eucharistie.
Nous avons un avantage sur les disciples, c’est que nous célébrons sa mort et sa résurrection. L’offrande que nous célébrons en mémorial est pour nous action de grâce pour le salut offert en Jésus qui nous ouvre un avenir et nous fait passer de la mort à la vie.
En cela Jésus est signe de l’Alliance nouvelle, il est serviteur de la rencontre de Dieu, il est serviteur des hommes dans leur passage de la mort à la vie, seul médiateur entre Dieu et les hommes !
Frères et Soeurs, ce soir, je vous invite à accueillir dans la foi, et dans la joie, le don de Jésus.
Il nous révèle où nous conduit le mystère de l’Eucharistie, où nous conduit ce chemin pour aimer comme lui, il nous enseigne le chemin du don, qui se vit dans l’attitude du service.
C’est là que nous serons semblables à lui. Pas dans l’indépendance d’une vie qui chercherait sa propre réussite à tout prix, pas dans la gloire et les honneurs, qui sont des pièges du tentateur, ni dans une vie qui chercherait le confort pour ne pas trop se risquer. Mais dans le service, pour que l’amour, reçu, devienne don, devienne acte qui révèle l’amour de Dieu pour chacun.
“Comprenez vous ce que je viens de faire ?” demande Jésus dans l’Evangile.
“Vous aussi vous devez vous lavez les pieds les uns les autres !”
Marko Ivan Rupnik |
Il n’y a pas la prière d’un côté et le service de l’autre. L’un ne peut se passer de l’autre. Vivre la prière sans avoir soucis des autres, c’est être dans une piété mal ajustée. Mais vivre le service sans prendre le temps de la prière, c’est faire de la vie chrétienne une organisation caritative qui oublie sa source et sa destinée pour s’appuyer seulement sur ses capacités humaines qui ne sont pas inusables.
Ainsi l’Eucharistie que nous célébrons nous forme petit à petit et nous rend accueillant de l’oeuvre de Dieu qui peut prendre sa place en nous et s’accomplir par nos pauvretés et nos limites.
Comme les disciples, admettons que nous avons besoin de Jésus, qu’il est venu pour nous servir, pour nous sauver, bref nous laisser aimer véritablement. Avec lui prenons la place de celui qui sert et qui révèle à l’autre qu’il a du prix aux yeux du Seigneur, qu’il est unique et aimable.
Regardons Jésus ce soir, qui nous révèle vraiment ce que veut dire aimer : accueillons le don qui nous est fait dans l’amour, pour devenir don à notre tour, pour aimer comme lui, et ainsi vivre de sa vie.
Amen.